Impact du chapitre Le conflit belge en interviews de fond : la structure traumatique psychodynamique dans l’histoire belge. (2012). Heenen-Wolff, S., Bazan, A., Verougstraete, A.Dans : O. Luminet (dir.), Belgique – België un état, deux mémoires collectives? Wavre: Mardaga, 93-116
- Présentation critique par Geneviève Warland, rubrique « Un Livre », La Revue Nouvelle, Mars 2014.
- Cité dans « De verkenning van marginaliteit en alledaagsheid evoluties van de mondelinge geschiedenis in belgië inleiding tot dit nummer », par Marnix Beyen, UA. dans le périodique Arduin 2012 (archief en museum voor het vlaams leven te brussel).
- Cité dans « L’histoire de Wallonie est difficile à écrire », par José Fontaine, sur le site http://www.vigile.net. Mars 2012
Communiqué de presse: Une mémoire collective divergente explique, en partie, la longévité de la crise politique
Louvain-la-Neuve, vendredi 2 décembre 2011
Des chercheurs de diverses universités (UCL, ULB, UA, HUB et KULeuven) ont mené une série d’études et de réflexions qui peuvent éclairer les causes de la longévité de la crise politique belge, en particulier sur la manière dont les souvenirs d’événements du passé peuvent influencer les relations actuelles au niveau politique et inter-groupes. Selon les chercheurs, la crise actuelle peut, en partie, s’expliquer par les souvenirs divergents et parfois contradictoires que chaque communauté linguistique en Belgique détient à propos du passé.
Ces divergences de mémoire collective sont multiples : linguistiques, historiques et économiques.
– Les Flamands acceptent mal que les francophones ne maîtrisent pas le néerlandais : cela ravive la mémoire vivace du mépris et de l’humiliation ressentis lors de la domination des élites francophones. Cela renforce également leur conviction que la langue néerlandaise et la culture flamande sont menacées et que l’identité flamande doit être protégée.
– Les francophones acceptent mal l’expansion économique actuelle de la Flandre : cela les renvoie au souvenir d’une prospérité perdue. A l’inverse, la Flandre ne parvient pas à se détacher d’un sentiment de frustration : elle se comporte comme si elle était encore opprimée, victime de l’Etat belge, malgré le fait que le pouvoir économique réside maintenant dans cette région.
– Le débat sur l’amnistie reflète également de profondes divergences au niveau de la mémoire collective : ce débat a eu lieu dans de nombreux pays d’Europe, mais pas en Belgique où les francophones refusent d’en discuter. Ce refus provoque chez certains néerlandophones de vifs sentiments d’injustice qui s’accompagnent fréquemment de colère, de dépit et de rancune. Ces sentiments semblent renforcer certains aspects du nationalisme flamand.
L’important succès électoral de la N-VA en 2010 pourrait en partie avoir été guidé par ce ressentiment lié au passé. Une étude récente (Swyngedouw et Abts, 2011) a montré que de nombreux électeurs flamands de gauche ont voté pour la N-VA, même si ce parti se situe clairement à droite de l’échiquier politique du point de vue socio-économique. Ces données suggèrent que les enjeux linguistiques et mémoriels ont beaucoup d’importance pour l’instant dans les choix électoraux en Flandre par rapport aux aspects idéologiques plus traditionnels qui opposent la gauche et la droite.
Ces différents exemples démontrent comment des mémoires collectives divergentes parmi les habitants des communautés linguistiques belges contribuent à façonner les émotions qu’ils éprouvent les uns à l’égard des autres. Cette incapacité à faire cohabiter des représentations divergentes du passé empêche les Belges aujourd’hui de développer une identité nationale forte et un sens clair d’appartenance commune.
En s’avérant inaptes à offrir des pistes permettant d’intégrer toutes les pages du passé national, les autorités politiques belges ont laissé subsister et même s’épanouir au sein de la population des sentiments de dépit et de rancune. Pour palier à cette absence d’identité commune, l’Etat belge devrait, selon les chercheurs, jouer un rôle fédérateur (ce qu’il n’a jamais fait jusqu’à présent) et veiller à la reconnaissance des mémoires partagées par l’ensemble des communautés en présence.
Ce travail scientifique a été coordonné par Olivier Luminet, professeur à l’Institut de recherche en sciences psychologiques de l’UCL. Il est le fruit d’une équipe de chercheurs interdisciplinaire en sciences humaines et sociales : psychologie (sociale, clinique et cognitive), histoire, sciences politiques, littérature. Ont participé à cette étude : Valérie Rosoux, Laurence van Ypersele et Susann Heenen-Wolff (UCL) ; Olivier Klein, Laurent Licata et Ariane Bazan (ULB) ; Marnix Beyen (UA) ; Elke Brems (KULeuven et HUB) ; Anne Verougstraete.
Cette étude vient d’être publiée sur le site scientifique Memory Studies et fera, par ailleurs, l’objet d’un livre en mars 2012 (en français aux éditions Mardaga et en néerlandais aux éditions Snoeck) qui portera le titre : Belgique/België : Un état, deux mémoires collectives ?.